Chronique Marc Geysen: “It’s all about Inspiration, Creation, Design and Style”

Le célèbre ‘bleu Yves Klein’, avec des silhouettes dansantes sur fond blanc (Photo : Pierre Frey)

En me rendant à Paris, je me demandais quels nouveaux textiles j’allais découvrir dans les nouvelles collections des éditeurs. Ces éditeurs qui, chaque année en janvier, exposent leurs nouveautés à Saint-Germain-des-Prés sur la Rive Gauche.

Je commence par les valeurs sûres. Les précurseurs, les audacieux qui n’hésitent pas à innover, à aller toujours plus loin pour rester à l’avant-garde des tendances. Ensuite, les « suiveurs ». Je parle bien sûr des éditeurs qui évoluent dans le sillage de la tendance.

Malheureusement, mon impression générale est qu’il n’y a eu que peu d’avancées. Dans l’ensemble, tout le monde a plutôt joué la sécurité, ce que je peux comprendre en ces temps incertains. La profusion de couleurs, par contre, était tout à fait remarquable. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel y étaient, avec une omniprésence du multicolore. Un océan de couleurs primaires exubérantes, sauvages, coexistant dans une multitude de contrastes. Même dans les teintes pastel, j’ai constaté le même phénomène.

Rideaux transparents

J’ai été frappé par le nombre de rideaux transparents. Alors qu’en général, le monde du textile n’a que peu de considération pour ce type de rideaux, peu importe leur raffinement et la sophistication de leur conception. J’ai en découvert de superbes exemplaires chez Christian Fischbacher.

Pollack et Camengo, en revanche, utilisent la technique de l’eau-forte, où le motif est formé en creusant une partie du fil. Chez The Sign, j’ai découvert des looks plus lourds, complétés par une belle technique de tissage croisé chez  Clarence House.

Le look ethnique est omniprésent. Le design s’inspire de motifs parfois primitifs ou évoquant des dessins réalisés dans l’un ou l’autre pays exotique. La palette de couleurs évolue dans les teintes naturelles typiques, se déclinant dans une gamme de brun, noir, taupe, terracotta, beige chaud, gris-bleu, ocre terne, olive et lin. Avec ici et là des touches colorées, comme dans la collection murale de Jannelli & Volpi et Elitis, qui utilisent des couleurs directes, primaires.

Chez l’éditeur Pierre Frey, j’ai pu admirer le célèbre ‘bleu Yves Klein’ dans des silhouettes dansantes sur fond blanc. L’‘IKB’ (International Klein Blue) est extrêmement mat, même appliqué sur une toile. Il n’y a pas le moindre reflet ni brillance.

Douceur de toutes part

Je me souviens encore de ce jeune homme au Salone del Mobile à Milan, caressant désespérément un velours à poils ultra longs utilisé en revêtement mural. Est-ce là une nouvelle tendance ? Je pense bien car Paris aussi, on voit fleurir le velours à poils longs voire très longs ! La douceur nous enveloppe de toutes part, dessinant progressivement une nouvelle tendance. C’est une nouvelle expression créative et une évolution vers un nouveau type de revêtement mural.

Le secteur explore le potentiel mural des textiles doux et acoustiques comme le velours et le tissu chenille, dont la teinte se module en fonction de l’endroit où vous vous tenez et de la luminosité. Il s’agit en fait d’une évolution et d’une réponse au style bouclette qui se répand depuis quelques années. On trouve déjà un ‘fauteuil look bouclette’ chez Ikea et même chez Weba, ce qui en dit déjà long, pour moi.

Panneaux panoramiques

Les panneaux panoramiques sont eux aussi en passe de devenir une réelle tendance. Les panneaux 3D vous donnent l’impression d’être transporté, dans votre living, jusqu’au cœur de la jungle ou d’une ville lointaine. Cela crée un sentiment d’espace, dont on retrouve de très belles approches chez Arte, par exemple. Par ailleurs, on voit énormément d’oiseaux et autres animaux dans les nouvelles collections.

Le nouveau design que j’ai vu chez Nobilis est splendide et tout à fait étonnant. Dans l’étalage de la rue Bonaparte, un siège trônait à la place d’honneur. Des lapins paisibles, en jacquard tissé façon tapisserie… Une belle idée qui prend le contrepied de la jungle sauvage omniprésente depuis des années.

Constructivisme et abstraction s’entremêlent dans tous les nouveaux catalogues d’échantillons ou presque. Ce mouvement, né en Russie, date d’avant la Première Guerre mondiale et a inspiré de nombreux designer à l’origine des idées contemporaines. Les tissus imprimés sont quant à eux le règne d’un style plus lyrique et moins austère à la Picasso et à la Braque. Casamance et Nobilis sont les véritables chefs de file. D’ailleurs, Nobilis n’est pas uniquement un précurseur dans ce domaine. On trouve chez cet éditeur une sophistication et une authenticité dans l’ensemble de la collection, dont chaque pièce semble parfaitement réfléchie.

D’autres éditeurs ont plus tendance à suivre les courantes dominants et à jouer un peu sur tous les tableaux. C’est pourquoi tant de collections se ressemblent. Les créations y perdent parfois un peu de leur caractère, et le style personnel s’estompe. Et il y a aussi les irréductibles, qui s’accrochent à leur propre style, parfois jusqu’à s’y perdre, et continuent à s’adresser à un public spécifique qui se meurt petit feu.

Le tissage élevé au rang d’art

Permettez-moi de féliciter certains créateurs qui élèvent le tissage au rang d’art. Chapeau bas. Bien souvent, on ne s’arrête pas assez sur les techniques de tissage employées par les designers pour donner forme à leurs idées. Ces techniques ont capté mon attention lorsque

j’ai feuilleté les catalogues d’échantillons.

Plus j’en voyais, plus je me rendais compte des véritables bijoux nichés ici et là. J’ai remarqué de nouvelles idées au niveau des armures et l’utilisation de superbes fils fantaisie. Ainsi que des jeux d’ombre et de lumière sur une même surface, grâce à diverses techniques d’entrecroisement. Sans oublier les effets d’ombrage et le débordement de la couleur sur une autre surface.

On ne pense pas assez aux créateurs et artisans qui façonnent un motif, parfois en utilisant de nouvelles techniques et en exploitant les subtilités de l’art du tissage. Ces designers sont des artistes qui peignent avec des fils et des techniques de tissage en guise de peintures et de pinceaux

Splendides tissus unis

J’ai aussi vu de splendides tissus unis sobres, bien sûr. De beaux produits tissés chaleureux, la plupart du temps avec de la bouclette et de la chenille en trame, parfaitement mis en valeur par les techniques de tissage adaptées. Moins il y a de fils fantaisie dans le tissu, plus les armures spéciales ressortent joliment. On peut vraiment parler ici d’‘art du tissage’, de vision permettant à des fils ordinaires de déployer tout leur potentiel.

Ici et là, j’ai découvert de véritables œuvres d’art. Il y en a une qui m’a tout particulièrement marqué chez l’éditeur Pierre Frey. Il s’agit d’un motif coloré, avec de petits carrés tissés dans lesquels la trame est tissée. Une fois sortie du carré, la trame se désolidarise de la toile et est coupée après un certain temps. Cette technique mérite selon moi que l’on s’y intéresse de plus près.

“It’s all about Inspiration, Creation, Design and Style.”

Decostyle redactie

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